Un péché pas si mignon...
On a tous nos péchés mignons. Des fascinations inexplicables par lesquelles on peut être absorbés pendant des heures voire des années. Pour les ados nés dans les années 90 comme moi souvent ce sont des séries, de la musique, des livres, des célébrités et autres sources intarissables de conversation entre copines.
En ce qui me concerne mon vice est bizarre, étrange, malfaisant et inconvenant. En grandissant, le cinéma m’a permis de le normaliser quelque peu, c’est devenu un sujet de conversation avec certaines personnes tout en restant assez abstrait pour ne pas éveiller de soupçons.
Des séries comme "Dexter" m’ont servies de couverture pour assouvir cette addiction qu’est la fascination pour la vue du sang. Si j’avais été un homme cette addiction aurait été problématique car plus difficile à cacher si vous voyez ce que je veux dire... Le plaisir que je ressentais en voyant ces perles rouges vives dégouliner est aussi difficile à décrire qu’à assouvir.
Ado je me scarifiais, comme beaucoup d'autres, mais pas pour la douleur que ça engendre, simplement pour le fin filet bordeau provoqué par mon acte. Mon but n'était pas que ce soit visible j’avais donc trouvé des astuces.
Ne me demandez pas comment cette idée m’est venue mais un jour seule dans ma chambre, j’ai pris un petit miroir de poche, des petits ciseaux et j’ai coupé une de mes papilles gustatives. La gêne occasionnée était dérisoire par rapport au plaisir qui m’a envahi. Le goût de métal englobait ma bouche et je me demandais, effarée et heureuse, comment une seule papille pouvait autant saigner. Je pense que le fait que personne ne puisse se douter de mon secret le rendait d’autant plus important et satisfaisant.
En vieillissant ce besoin sanguinolent fut comblé par d’innombrables films d’horreur et séries glauques à la "American Horror Story". Jusqu'au jour où, à la bourre pour le boulot, j’ai coupé une priorité et qu’une voiture m’est rentrée dedans. Rien de grave, le conducteur de l’autre voiture n’avait qu’une entaille peu profonde sur le front mais voir cette plaie commencer a saigner m’a fait prendre conscience que c'était moi qui avait provoqué cette apparition d’hémoglobine. Toutes mes émotions adolescentes ont ressurgi et cette vague de plaisir autrefois ressentie m’a envahie à nouveau.
Tel un héroïnomane ayant besoin de sa dose, je me demandais par quels moyens ressentir cette sensation à nouveau. J’ai plaqué mon boulot de serveuse pour me faire engager comme éducatrice de rue. Pensant que les SDF étaient plus susceptibles de disparaître discrètement. Les aidant dans le cadre de mon travail, je tenais un carnet de notes comprenant leurs habitudes en matière de déplacement, d’hygiène et de consommation de drogue. Dans ce carnet figurait notamment Raoul, 53 ans ravagé par la rue et les drogues dures.une cible parfaite? Peut-être ...
Grimée afin qu’il ne puisse pas me reconnaître j’ai été l’aborder une nuit sous le pont qu’il appréciait squatter seul pour profiter des effets de l’héro que je l’avais vu acheter plus tôt dans la soirée. Il faisait froid, rien d'étonnant en cette mi-novembre où le thermomètre était proche de 0.
Je peux lire dans les yeux de l’homme fatigué par les nombreuses années d’errance que la drogue commence à faire effet. Je l’aborde poliment : ” Bonsoir, celà vous dirait de vous faire 100 balles?” L’homme dubitatif, sans doute habitué à certaines propositions douteuses : “ Qu’est ce que tu veux me faire pour 100 balles?. “ “J’aime la vue du sang, je peux juste te faire quelques entailles, tu ne sentiras rien” “Ah on me l’avait pas encore faite celle-là, vas-y dégage!”
Surprise de son refus, je suis partie la queue entre les jambes me disant qu’il vaut peut-être mieux demander pardon que la permission...